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La vallée du Draa

Oasis, mot magique. Havre de paix, de douce abondance après les turpitudes du désert. La vallée marocaine du Draa est, elle, une oasis immense. Elle étire ses méandres d'Agdz à Mhamid, sur près de deux cents kilomètres.

Pays berbère, né de l'union de la montagne et du désert, de la rencontre de l'eau et du soleil. De l'Atlas et du Sahara. Car la richesse de la vallée, ce sont les dattes. Seize variétés différentes y ont été recensées qui, sur deux millions de palmiers-dattiers, produisent annuellement vingt mille tonnes de dattes.

De Ouarzazate, tandis que la route se tortille jusqu'au col de Tizi n'Tinififft (1660 mètres) à travers les paysages noirs et décharnés du djebel Sarhro, l'oued Draa, invisible, taille son chemin dans la croûte terrestre.

C'est à Agdz qu'on rejoint l'oued. Apparaît d'abord le massif du djebel Kissane qui domine la ville et une houle verte qui s'étire jusqu'au bout de la vue: la palmeraie.

Le fleuve le Draa dans l'Antiquité

Dans l'Antiquité, le Draa était le plus long fleuve permanent du Maroc. Ses eaux, prenant naissance près de Ouarzazate, se jetaient dans l'océan Atlantique après une course de mille kilomètres. Les vieux textes parlent d'une région prospère et même de crocodiles. Aujourd'hui, régulé par le barrage El Mansour, le Draa abreuve généreusement sa vallée avant de se perdre dans les sables, au-delà de Mhamid.

Malgré tout, on doute que l'Antiquité soit si lointaine; sur les chemins de terre, ânes et mulets vont d'un trot sec, les bastes pleines de légumes et de dattes, et partout, c'est un peuple voué aux traditions qui vaque à ses besognes séculaires: jeunes femmes transportant du bois de feu sur leur dos, gamins tirant l'outre du puits ou courant, pieds nus, derrière un cerceau de fer, mule traversière qui transbahute des piétons en djellabah d'une rive à l'autre, une lessive étalée sur la roche d'une colline.

Lauriers-roses, joncs, acacias, tamaris. Les heures extrêmes enluminent d'or rouge la surface de l'oued. C'est aussi l'heure où les hérons font le pied de grue, où les djebels s'allument comme des couronnes impériales, où les ombres s'allongent ou se raccourcissent. On voudrait boire la lumière. On voudrait que jamais le jour ne s'allume ou ne s'éteigne tout à fait.

Ouriz. Amrâd. Timiderte. Tamsikht. Villages de pisé (mélange de terre, de paille et d'eau), posés sur des terres infertiles qui dominent la palmeraie. Minarets roses, ou verts ou blancs. Des hommes en djellabah palabrent avec le détachement de ceux pour qui le paradis d'Allah sera encore plus beau que leur vallée.

Dans le sud marocain, on vit au rythme du jour et de la nuit, des saisons et de son cœur. Et du thé vert à la menthe qu'on sirote infatigablement à la terrasse des cafés. Versé de très haut dans les verres, la pluie de thé symbolise l'union du ciel et de la terre. Mais ici, on ne compte pas sur la pluie pour cultiver. La palmeraie occupe la surface de la nappe phréatique, les jardins sont irrigués.

S'égarer dans la palmeraie fait partie du voyage. D'ailleurs, on ne s'y perd pas trop; le Draa, ou un djebel, ou le soleil, suffit à s'orienter. Où alors, c'est un fellah sur son âne, qui vous demande où vous allez. La casbah de Tamnougalt? Impossible de la manquer: elle est plantée sur sa colline comme pour un décor de film d'aventure. Des casbahs, il y en a cinquante ou soixante dans la vallée, dressant leurs tours de guet de loin en loin.

Ces citadelles de terre, témoins des affrontements entre tribus berbères, sont pour la plupart laissées à l'abandon. Le pisé subit l'outrage des pluies et des ans, et certaines ne sont plus que ruines.

Mais la palmeraie est bruissante de vie. Canaux d'irrigation, vannes, murets, palissades, chemins. Les jardins sont clos. On y accède par une porte débraillée, faite d'un vieux pantalon ou de tonneaux aplatis. Dans les champs, on travaille à croupetons, à la serpe. Carrés de poivrons, de tomates, de pastèques, de haricots qui seront vendus au souk hebdomadaire d'Agdz, de Tinzouline ou de Zagora, avec les dattes, mandarines, oranges et olives.